Archive for the Fêtes galantes Category

Fêtes galantes XXII: Colloque sentimental

Posted in Fêtes galantes, Painting, Poetry with tags , on November 18, 2015 by Dylan Thomas Hayden

Une allée d'arbres, c. 1715, Hermitage

Une allée d’arbres, c. 1715
The Hermitage, Saint Petersburg

Dans le vieux parc solitaire et glacé,
Deux formes ont tout à l’heure passé.

Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l’on entend à peine leurs paroles.

Dans le vieux parc solitaire et glacé,
Deux spectres ont évoqué le passé.

— Te souvient-il de notre extase ancienne ?
— Pourquoi voulez-vous donc qu’il m’en souvienne ?

— Ton cœur bat-il toujours à mon seul nom ?
Toujours vois-tu mon âme en rêve ? — Non.

— Ah ! les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos bouches ! — C’est possible.

— Qu’il était bleu, le ciel, et grand, l’espoir !
— L’espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.

Tels ils marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule entendit leurs paroles.

Fêtes galantes XXI: En sourdine

Posted in Fêtes galantes, Painting, Poetry with tags , on November 17, 2015 by Dylan Thomas Hayden

Le voleur du nid de moineau, c. 1712

Le voleur du nid de moineau, c. 1712
National Gallery of Scotland

Calmes dans le demi-jour
Que les branches hautes font,
Pénétrons bien notre amour
De ce silence profond.

Fondons nos âmes, nos cœurs
Et nos sens extasiés,
Parmi les vagues langueurs
Des pins et des arbousiers.

Ferme tes yeux à demi,
Croise tes bras sur ton sein,
Et de ton cœur endormi
Chasse à jamais tout dessein.

Laissons-nous persuader
Au souffle berceur et doux
Qui vient à tes pieds rider
Les ondes de gazon roux.

Et quand, solennel, le soir
Des chênes noirs tombera,
Voix de notre désespoir,
Le rossignol chantera.

Fêtes galantes XX: L’Amour par terre

Posted in Fêtes galantes, Painting, Poetry with tags , on November 16, 2015 by Dylan Thomas Hayden

Plaisirs d'amour, c. 1719, Gemaldegalerie, Dresden

Plaisirs d’amour, c. 1719
Gemäldegalerie Alte Meister, Dresden

Le vent de l’autre nuit a jeté bas l’Amour
Qui, dans le coin le plus mystérieux du parc,
Souriait en bandant malignement son arc,
Et dont l’aspect nous fit tant songer tout un jour !

Le vent de l’autre nuit l’a jeté bas ! Le marbre
Au souffle du matin tournoie, épars. C’est triste
De voir le piédestal, où le nom de l’artiste
Se lit péniblement parmi l’ombre d’un arbre.

Oh ! c’est triste de voir debout le piédestal
Tout seul ! Et des pensers mélancoliques vont
Et viennent dans mon rêve où le chagrin profond
Évoque un avenir solitaire et fatal.

Oh ! c’est triste ! – Et toi-même, est-ce pas ? es touchée
D’un si dolent tableau, bien que ton œil frivole
S’amuse au papillon de pourpre et d’or qui vole
16 Au-dessus des débris dont l’allée est jonchée.

Fêtes galantes XIX: Colombine

Posted in Fêtes galantes, Painting, Poetry with tags , on November 15, 2015 by Dylan Thomas Hayden

La sérénade italienne, c. 1718, Stockholm

La Sérénade Italienne, c. 1718
National Museum, Stockholm

Léandre le sot,
Pierrot qui d’un saut,
     De puce
Franchit le buisson,
Cassandre sous son
     Capuce,

Arlequin aussi,
Cet aigrefin si
     Fantasque
Aux costumes fous,
Ses yeux luisant sous
     Son masque,

– Do, mi, sol, mi, fa –
Tout ce monde va,
     Rit, chante
Et danse devant
Une belle enfant
     Méchante

Dont les yeux pervers
Comme les yeux verts
     Des chattes
Gardent ses appas
Et disent : « Àbas
     Les pattes !»

– Eux ils vont toujours ! –
Fatidique cours
     Des astres,
Oh ! dis-moi vers quels
Mornes ou cruels
     Désastres

L’implacable enfant,
Preste et relevant
     Ses jupes,
La rose au chapeau,
Conduit son troupeau
     De dupes ?

Fêtes galantes XVIII: Les Indolents

Posted in Fêtes galantes, Painting, Poetry with tags , on November 14, 2015 by Dylan Thomas Hayden

La boudeuse, c. 1718, Hermitage

La Boudeuse, c. 1718
The Hermitage, Saint Petersburg

« Bah ! malgré les destins jaloux,
Mourons ensemble, voulez-vous ?
– La proposition est rare.

– Le rare est le bon. Donc mourons
Comme dans les Décamérons.
– Hi ! hi ! hi ! quel amant bizarre !

– Bizarre, je ne sais. Amant
Irréprochable, assurément.
Si vous voulez, mourons ensemble ?

– Monsieur, vous raillez mieux encor
Que vous n’aimez, et parlez d’or ;
Mais taisons-nous, si bon vous semble ! »

Si bien que ce soir-là Tircis
Et Dorimène, à deux assis
Non loin de deux silvains hilares,

Eurent l’inexpiable tort
D’ajourner une exquise mort.
Hi ! hi ! hi ! les amants bizarres.

Fêtes galantes XVII: Lettre

Posted in Fêtes galantes, Poetry with tags , on November 13, 2015 by Dylan Thomas Hayden


Éloigné de vos yeux, Madame, par des soins
Impérieux (j’en prends tous les dieux à témoins),
Je languis et je meurs, comme c’est ma coutume
En pareil cas, et vais, le cœur plein d’amertume,
À travers des soucis où votre ombre me suit,
Le jour dans mes pensers , dans mes rêves la nuit,
Et la nuit et le jour, adorable Madame !
Si bien qu’enfin, mon corps faisant place à mon âme,
Je deviendrai fantôme à mon tour aussi, moi,
Et qu’alors, et parmi le lamentable émoi
Des enlacements vains et des désirs sans nombre,
Mon ombre se fondra pour jamais en votre ombre.

En attendant, je suis, très chère, ton valet.

Tout se comporte-t-il là-bas comme il te plaît,
Ta perruche, ton chat, ton chien ? La compagnie
Est-elle toujours belle, et cette Silvanie
Dont j’eusse aimé l’œil noir si le tien n’était bleu,
Et qui parfois me fit des signes, palsambleu !
Te sert-elle toujours de douce confidente ?
Or, Madame, un projet impatient me hante
De conquérir le monde et tous ses trésors pour
Mettre à vos pieds ce gage – indigne – d’un amour
Égal à toutes les flammes les plus célèbres
Qui des grands cœurs aient fait resplendir les ténèbres.
Cléopâtre fut moins aimée, oui, sur ma foi !
Par Marc-Antoine et par César que vous par moi,
N’en doutez pas, Madame, et je saurai combattre
Comme César pour un sourire, ô Cléopâtre,
Et comme Antoine fuir au seul prix d’un baiser.

Sur ce, très chère, adieu. Car voilà trop causer,
Et le temps que l’on perd à lire une missive
N’aura jamais valu la peine qu’on l’écrive.

Fêtes galantes XVI: À Clymène

Posted in Drawing, Fêtes galantes, Poetry with tags , on November 12, 2015 by Dylan Thomas Hayden

Études de sept têtes, c. 1717

Études de sept têtes, c. 1717
Frits Lugt Collection, Paris

Mystiques barcarolles,
Romances sans paroles,
Chère, puisque tes yeux,
     Couleur des cieux,

Puisque ta voix, étrange
Vision qui dérange
Et trouble l’horizon
     De ma raison.

Puisque l’arôme insigne
De ta pâleur de cygne
Et puisque la candeur
     De ton odeur,

Ah! puisque tout ton être,
Musique qui pénètre,
Nimbes d’anges défunts,
     Tons et parfums,

A, sur d’almes cadences
En ses correspondances
Induit mon coeur subtil,
     Ainsi soit-il!

Fêtes galantes XV: Mandoline

Posted in Fêtes galantes, Painting, Poetry with tags , on November 11, 2015 by Dylan Thomas Hayden

L'Accord Parfait, 1719, LACMA

L’accord parfait, 1719
LACMA

Les donneurs de sérénades
Et les belles écouteuses
Échangent des propos fades
Sous les ramures chanteuses.

C’est Tircis et c’est Aminte,
Et c’est l’éternel Clitandre,
Et c’est Damis qui pour mainte
Cruelle fait maint vers tendre.

Leurs courtes vestes de soie,
Leurs longues robes à queues,
Leur élégance, leur joie
Et leurs molles ombres bleues

Tourbillonnent dans l’extase
D’une lune rose et grise,
Et la mandoline jase
Parmi les frissons de brise.

Fêtes galantes XIV: Le faune

Posted in Fêtes galantes, Painting, Poetry with tags , on November 10, 2015 by Dylan Thomas Hayden

Les deux cousines, c. 1716, Louvre

Les deux cousines, c. 1716
Musée du Louvre

Un vieux faune de terre cuite
Rit au centre des boulingrins,
Présageant sans doute une suite
Mauvaise à ces instants sereins

Qui m’ont conduit et t’ont conduite,
– Mélancoliques pélerins, –
Jusqu’à cette heure dont la fuite
Tournoie au son des tambourins.

Fêtes galantes XIII: En bateau

Posted in Fêtes galantes, Painting, Poetry with tags , on November 9, 2015 by Dylan Thomas Hayden

La Chute d'eau, avant 1715, Valenciennes

La Chute d’eau, before 1715
Musée des Beaux-Arts de Valenciennes

L’étoile du berger tremblote
Dans l’eau plus noire et le pilote
Cherche un briquet dans sa culotte.

C’est l’instant, Messieurs, ou jamais,
D’être audacieux, et je mets
Mes deux mains partout désormais!

Le chevalier Atys, qui gratte
Sa guitare, à Chloris l’ingrate
Lance une oeillade scélérate.

L’abbé confesse bas Églé,
Et ce vicomte déréglé
Des champs donne à son coeur la clé.

Cependant la lune se lève
Et l’esquif en sa course brève
File gaîment sur l’eau qui rêve.